L’Union Européenne n’a jamais voulu se poser directement la question de la place des religions en son sein.

 

Les traités européens, quels qu’ils soient, ont toujours évité de se prononcer sur ce thème au nom, en particulier, du principe de subsidiarité.

La laïcité n’est pas qu’un principe philosophique ou politique. Elle entraîne des conséquences dans de nombreux domaines. Elle est la base de critères pour déterminer les comportements acceptables ou condamnables par la société. Elle va gérer les questions d’éducation ; il suffit de voir les problèmes rencontrés actuellement dans le cadre de nos écoles. Elle va aussi intervenir dans les activités professionnelles qui, bien souvent, vont être perturbées par les excès religieux de certains acteurs.

Ainsi, la laïcité peut engendrer des conflits sociaux difficiles à apaiser pour les politiques qui doivent répondre aux revendications tant des hommes de religion que des laïcs, lesquels n’ont pas forcément la même conception de la place de la religion dans la société.

Pour la laïcité, les églises et organisations religieuses sont garanties dans les droits et les statuts qui leur sont reconnus par l’Etat auquel elles appartiennent.
Elle n’est donc pas un principe posé par la législation européenne. Chaque Etat est libre de décider librement de prendre position, l’Union ne se reconnaissant pas comme pouvant avoir compétence en la matière.

C’est ainsi que la Grande-Bretagne, le Danemark et la Grèce en particulier conservent leurs églises d’Etat alors que nous avons depuis 1905 adopté la législation laïque.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne puisse exister de règle européenne.

Il convient de se reporter à la déclaration des droits et libertés de Nice sous l’impulsion du Président Sarkozy qui se réfère à la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Ce sont des textes qui portent en particulier sur la liberté de conscience et la liberté religieuse.

Sur ce dernier point, la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’est prononcée à plusieurs reprises.

Certains de nos textes ont pourtant choqué d’autres Européens. C’est ainsi que la loi de 2004 portant sur les moyens d’expression de la croyance et l’interdiction de signes ostensibles manifestant une appartenance religieuse a rencontré des oppositions, alors que pour nous Français, c’est pourtant une loi clé. C’est aussi pourquoi le Président Macron se heurte à d’immenses difficultés sur le plan européen dans le cadre de notre lutte pour la laïcité et contre l’islamisme.

Faudra-t-il que les terroristes frappent tous les pays européens pour que ceux-ci comprennent enfin la légitimité du combat mené par notre pays ? L’Autriche vient de se rallier à la politique française en cette matière parce qu’elle a été victime d’un attentat terroriste. Les autres pays européens vont-ils attendre d’être à leur tour frappés pour comprendre ?

Il faut aussi prendre conscience que le droit d’exercer sa religion est un droit consacré dans tous les pays européens. La laïcité n’existe que dans le cadre de son respect des religions.

Ceci étant, ce droit connaît-t-il des limites ? La France, en particulier, a apporté un certain nombre d’interdictions, par exemple celle des signes ostensibles manifestant une appartenance religieuse à l’école. La Cour Européenne a entériné cette interprétation.

Pour autant, je considère que l’Etat ne peut pas atteindre l’exercice même de la religion, sauf si celui-ci se traduit par une mise en cause des grands principes sur lesquels repose la législation des Etats européens ; par exemple en France, le principe de la laïcité.

Il y a donc évidemment une difficulté à aller dans le sens d’une législation européenne unifiée dans la mesure où certains pays – c’est même probablement la majorité – respectent la plénitude de l’exercice des religions et que d’autres entendent la possibilité de le limiter par les lois nationales.

Il convient ainsi de respecter la pratique de l’Islam, celle d’une religion largement représentée dans le monde, sans pour autant accepter l’islamisme qui entend faire passer les lois de la religion par-dessus celles de l’Etat concerné.

Le principe de laïcité ne heurte pas seulement des pays pratiquant majoritairement l’Islam, mais aussi, par exemple, les pays anglo-saxons comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Le pouvoir des communautés religieuses aux Etats-Unis est extrêmement important. Les élections récentes l’ont encore mis en exergue.

Il y a pourtant manifestement des contradictions entre les textes régissant un certain nombre de communautés et la loi fédérale américaine.

Le législateur français a transporté dans notre droit le concept de non-discrimination qui interdit donc tout comportement raciste.

Considérons qu’il y a ainsi une grande difficulté pour aboutir à des normes européennes.

Nos sociétés sont actuellement ébranlées par la nouvelle puissance de la religion islamique dans la plupart des pays. Peut-on encore même parler de minorité religieuse quand on prend en considération le nombre de Musulmans en France ?

Evidemment cela entraîne des revendications qui se heurtent aux législations nationales.

Il faut donc aller dans le sens de la mise sur pied de normes européennes qui s’appliqueraient
dans chaque pays de la Communauté, réduisant ainsi le pouvoir des religions.

En réalité, la réflexion amène à considérer qu’il y a deux stades à franchir :

  • Le premier est interne à la France avec le principe de la laïcité. Celui-ci représente ce que lesIslamistes détestent : des principes touchant aux droits de l’Homme, avec en particulier la liberté de la femme.

Le principe de laïcité ne doit pas pour autant être abandonné. Comme l’a écrit François ZIMERAY,  ancien Ambassadeur de France des Droits de l’homme et aujourd’hui avocat au Barreau de Paris : « Il ne faut pas renoncer à expliquer, à convaincre, à dire que pour nous la liberté et la vie sont aussi sacrées que peuvent l’être pour d’autres des représentations  liturgiques ».

 

  • Le deuxième stade touche à la difficulté d’aboutir à une législation européenne.

Celle-ci sera difficile à élaborer. Pour autant, il paraîtrait sage que les Etats européens arrivent à se mettre d’accord sur la préservation de certains grands principes sur lesquels reposent la plupart des législations de nos pays touchant en particulier à la liberté de pensée et de conscience ainsi qu’à la protection des religions. Ils doivent être en conformité avec les droits de l’Homme tels qu’ils apparaissent dans la Convention européenne et qui sont consacrés par la Cour Européenne.

Ce n’est que lorsqu’il existera une législation européenne que l’on pourra réellement opposer à l’ensemble des pays du monde musulman que la négation des valeurs communes de l’Europe est une atteinte aux droits de l’Homme tels qu’ils ont toujours été défendus, y compris dans le cadre de l’ONU.

Au nom de la laïcité, on ne s’attaque pas aux religions, sauf à partir du moment où celles-ci prônent la négation de nos valeurs et vont, pour ce faire, jusqu’au terrorisme.

L’Union Européenne se doit d’adopter une position commune dans le cadre du danger représenté par l’islamisme et sa conséquence, le terrorisme, sinon elle perdra sa raison d’être.

Bernard CAHEN
Avocat au Barreau de Paris
Membre du Conseil de Présidence du Club Nouveau Siècle
Président d’Honneur de l’UNION INTERNATIONALE DES AVOCATS
Ancien Membre de la Délégation Exécutive de l’UDT
Ancien Membre du Comité de l’UNR-UDT